Qualité de vie au travail et performance

Intervention réalisée dans le cadre des Rencontres Direction[s], le vendredi 26 mars 2021 : « l’action sociale et médico-sociale dans le monde d’après et piloter le changement en pratique ». Table ronde animée par Daniel Gacoin.

Il y a à peu près autant de définitions de la Qualité de Vie au Travail que d’acteurs qui s’y investissent, malgré l’accord interprofessionnel qui a structuré la notion. Il est justement intéressant de se pencher sur cette polysémie.

Ce qui s’en dégage, c’est que la QVT est d’abord un processus, une démarche dans laquelle on s’engage (ce qui fait écho à la démarche d’accompagnement de l’ANACT auprès des établissements médico-sociaux). C’est une démarche dans laquelle on s’engage parce qu’on est en confiance et qu’on veut avancer, mais aussi parfois parce qu’on est en difficulté, ou parce qu’on nous demande de le faire.

Un tel engagement nécessité de se donner à voir et de montrer les difficultés qu’on éprouve, donc d’être suffisamment protégé pour oser s’engager. Dans tous les cas, le socle commun à ces situations, c’est toujours de se dire, en quelque sorte : « On y va. On va se parler. On va parler du travail. »

En effet, le simple fait de commencer, quelque soit le sujet (des salles de repos à l’innovation organisationnelle), il s’agit toujours de questions de QVT, menée selon des actions différentes qui tendent vers le même but. Il s’agit de question de QVT parce que c’est un travail commun, identifié, décidé et construit ensemble. Une dynamique de relations particulière se déploie dans ces circonstances de travail collectif, qui se produit dans un cadre de confiance, capable d’établir une motivation suffisante pour poursuivre ce travail.

Ainsi, quand on additionne des outils qui permettent de revaloriser l’attractivité des métiers, la QVT apparait comme un horizon, qui recule au fur et à mesure qu’on y travaille, et qu’il faut toujours continuer de tenter d’atteindre, selon le mot de Daniel Gacoin.

Parfois, les situations de travail sont dégradées par le manque d’horizon (alors qu’on dispose de bonnes conditions salariales et d’autres avantages), et à l’inverse, des situations bancales et précaires peuvent être vécues comme soutenables, tant qu’elles ne dépassent pas les limites psychologiques des salariés. Ce qui change entre les deux situations, l’élément charnière, c’est précisément la dynamique.

Dans le secteur médico-social, il s’agirait dans un premier temps de dépasser le système d’évaluation-sanction, pour rendre ce travail collectif possible dans de bonnes conditions. Ces métiers relèvent aussi d’un sens particulier, sur lequel pèsent un certain nombre de contraintes. Notamment des exigences de qualités, qui sont tout à fait légitimes mais peuvent être vécues comme très complexes. La question des moyens se pose aussi régulièrement : que ce soit en termes de contrôles ou de demandes.

Malgré ces contraintes, le métier peut être pensé, selon la qualité des relations.

Sans cette dynamique, les départs et les arrêts de travail se multiplient et pèsent sur les structures.

De plus, aujourd’hui, à cause des attentes qu’on a à l’égard de ces métiers, l’implication et la volonté des acteurs ne suffisent plus. La profession subit un véritable choc générationnel et culturel. Ainsi, ce métier pensé par des générations de travailleurs s’interroge et ne se représente plus lui-même. Cela crée une peur de l’avenir, une peur d’être jugé et demande professionnalisme et détachement.

Être professionnel ne signifie pas pour autant manquer d’humanité. Mais il faut en avoir faire l’expérience pour le savoir. Le secteur médico-social représente un travail dans lequel on peut se reconnaitre noblement.

Des effets de résistance se créent lorsque la valorisation du professionnalisme des personnes passe par leur surinvestissement. Pour commencer à travailler, il faudrait pouvoir demander aux professionnels quelle représentation ils avaient auparavant de leur métier, et quelle serait-elle aujourd’hui. Mais aussi, laquelle devrait-elle être ?

Il s’agirait alors, avec Clot, de faire un retour à la question de l’évaluation en tentant de répondre aux questions suivantes : à quelles conditions avez-vous le sentiment d’agir ? À quelles conditions avez-vous le sentiment de bien faire votre travail ? Que celui-ci est utile ? Comment pourriez-vous l’identifier ?

La question de la difficulté du travail, de son sens et de son évaluation se pose tout au long d’une carrière, en particulier dans les professions du champ médico-social.

Une « méthode » ou un sens général, un fondement à une démarche QVT, serait donc le fait que tout professionnel, dans son métier, ait la capacité de s’exprimer puis de progresser sur son sentiment d’agir, de bien faire, sur l’utilité de son métier et sur des contenus identifiés.

Dans cette perspective, on pourrait donc poser la question de l’identité-métier comme un levier fort, au-delà des indicateurs financiers qui régissent une profession.

Comme les salariés, la direction ne peut pas faire l’économie des mêmes questions que celles que doit se poser le salarié. C’est une question qui intègre son propre tabou : le sens du métier des dirigeants dans le secteur médico-social. Son sentiment d’agir et de bien faire doit lui aussi être questionné. Si les dirigeants sont perdus sur de telles questions, c’est que les premières exigences sont des exigences de conformité. En termes de risques psychosociaux, une somme des contraintes, sans cadres très clairs, est soutenue par la direction, et cela peut créer des souffrances. Il y a donc bien, également, un métier de dirigeant.